mercredi 12 septembre 2012

€xces$...

     C’était un lundi soir vers 21h. Donatella, employée au sol quelque peu effrontée, était affectée au check-in de la célèbre compagnie low cost aux avions rouges (oui celle à laquelle vous pensez, celle qui n'a même pas réussi à tenir la distance avec ses sodas). C'était le dernier vol de la journée vers Barcelone. Elle était seule pour une fois, vu que le vol n’était pas complet.  Avec son chignon crépu et ses hanches généreuses drapées dans un uniforme rouge carmin, on la repérait de très loin. Métisse italo-congolaise, toujours impeccablement sapée, maquillée comme dans une pub L'Oréal, les ongles manucurés aux couleurs de Burbery, il fallait avouer qu'elle était classe. Elle même se trouvait trop canon, haute couture jusqu'au bout des ongles.  
     Il n’y avait pas un chat dans l’aéroport, c’était un des derniers départs du jour.  Un passager blacko s'est dirigé vers son desk avec un chariot chargé de deux immenses bagages. C’étaient les fameux sacs à rayures bleu blanc rouge, en polyester qu’on trouve au prix de 2€ dans les magasins de bric à brac, rue du Brab's.  Ces sacs sont providentiels pour la communauté africaine: ils pèsent quelques centaines de grammes mais vous pouvez y faire entrer des objets improbables de par leur taille et un maximum de poids, à la limite au gramme près de la charge autorisée, sans que les coutures sautent. Lorsqu'on compare avec une valise classique, qui pèse déjà 4 kilos à vide, c'est vraiment une aubaine!
" Bonsoir monsieur!
- Bonsoir madame, c’est ici pour Barcelone?
- Oui, monsieur. Puis-je avoir une pièce d’identité s’il vous plaît? Avez-vous des bagages à enregistrer?
- Oh, juste deux là.
- Déposez-les sur la balance! " 
Le malheureux s'est penché et s'est redressé transpirant et soufflant. Il tentait de prendre un air désinvolte pour les poser mais il se tortillait comme un ver, à la limite du lumbago. Ca crevait les yeux que ses sacs pesaient une tonne!
" Oh la la monsieur. Vous savez que la franchise à bagage sur notre compagnie est de 15kg?
La totalité de vos bagages atteint 122kg. A 10€ le kilo d'excédent, ça vous fera 1070€!
- Hé! Hé ! Ma sœur, tu peux faire un geste quand même!
- Heu, c'est une plaisanterie, monsieur? 107 kilos en trop !?! Je pourrais en faire passer quelques-uns mais pas une centaine! Faut pas exagérer! "
     Le mec en panique de devoir peut-être laisser son surplus en rade, a ouvert un de bagages qui s'est mis à vomir des dizaines de montres, de lunettes solaires, de ceintures et de sacs à mains contrefaits.  Toutes les marques s'y côtoyaient. Son butin allait certainement circuler, à la sauvette, sur les plages dorées de Barcelone ou sur le pavé de la Rambla.
Il avait vraiment beaucoup de chance! Les yeux de Donatella brillaient plus encore que les montres en toc : la garce raffolait des accessoires fake!  Avec son air le plus mielleux, il lui a dit : " Va-s-y ,choisis ce que tu veux et laisse passer le tout stp, ma sœur! "  Sans aucune gêne, elle s'est choisi quelques montres Prada, Armani, Dolce & Gabanna, des solaires Chanel, ornées de dorures bien kitsch, les classiques Rayban pour son mec et un portefeuille Guess des plus bling bling.  C’était Donatella au pays des merveilles!
Le gars, pour être sûr de bien la corrompre, a sorti frénétiquement de son faux Gucci qui lui servait de bagage à main et qui pesait aussi une tonne, le dernier faux modèle de chez Vuitton que tout le monde s’arrachait à Matongé. Ivre encore d'avoir reçu toutes ces babioles, elle a envoyé sur le tapis les deux sacs sans facturer un centigramme.

Histoire vécue par une lectrice

jeudi 6 septembre 2012

Bienvenue en Tunisie

     Quand j’étais au lycée, mes camarades de classe se vantaient d’aller passer les vacances en Tunisie, dans les célèbres clubs de vacances animés par Véronique et Davina le jour et par des serial lovers la nuit.
Ils me décrivaient un tableau idyllique fait de plages de sable fin, vaporeux sous les palmiers géants, avec la mer en arrière plan, si bleue que c'en était indécent, à côté du vert boueux de la mer du nord. Entre les séances de bronzette, les buffets gastronomiques à volonté ponctuaient la journée. Les balades à dos de chameaux dans le désert, le shopping dans les souks constituaient les seules activités laborieuses. L’hospitalité des Tunisiens enveloppait tout ce package d'un emballage couleur guimauve. Ca me faisait rêver, je voulais moi aussi toucher ce jardin d'Eden.
     Des années plus tard, lorsque je suis devenu PNC (personnel naviguant commercial) et que j'ai pu rencontrer les passagers à destination de Djerba ou Monastir, mon envie d'y aller s'est désintégrée... 
En pleine saison, un après midi, nous préparions la cabine pour s’envoler vers l’ile de Djerba, avec une escale à Monastir. Les passagers embarquaient avec leurs innombrables bagages à main. Je ne sais pas pourquoi mais sur les vols vers le nord de l'Afrique, les pax ont toujours des grappes de sacs dans les mains, surtout les passagers locaux qui retournent au pays pour les vacances. J’ai soulevé cette question devant un ami qui est, lui, marocain. Pourquoi voyageaient-ils avec tant de bagages? Il m'a répondu en souriant : "Tu sais nous, les Arabes, quand on va au bled, on voyage pas, on déménage!" J’ai bien ri car c’était vraiment ça : un déménagement. Les sacs était surdimensionnés, pleins à en craquer les fermetures-éclair. Ils pesaient des tonnes. J'étais sûr que chaque poche, chaque compartiment était exploité. Certains avaient même sous leurs pieds des cartons remplis de produits usuels comme du chocolat, du café, du thé, du sucre et l'incontournable Nutella, bref des denrées chères ou inexistantes là-bas. Il y en avait même un qui avait carrément un aspirateur dans son bagage à main! N’importe quoi! 
     Le public pour cette traversée, était un subtil mélange de snobs qui allaient améliorer leur swing sur les verdoyants terrains de golfs tunisiens, et de touristes venant du nord de la France. Cette destination est vraiment prisée par les francophones car en Tunisie, on parle non seulement l’arabe mais aussi la langue de Molière, et même encore mieux que Molière (ils utilisent parfois des mots qui ont disparu des conversations depuis 200ans) ! Vous savez, le genre humain n'aime pas se casser la tête en vacances : il préfère en général les pays où il peut se faire comprendre facilement. Certains vont même bien plus loin, comme ce passager flamand qui m'avait lâché qu'il avait passé de très bonnes vacances en Espagne, mais qu'hélas on n'y parlait pas le néerlandais!  J’avais envie de lui dire la prochaine fois, ben reste à la maison, tu pourras mater "The voice Vlanderen"! ;-p Il y avait aussi dans l'avion une poignée de grognasses célibataires en manque, regards lubriques et vêtements affriolants, prêtes pour aller se faire tringler par le premier bledard pas trop regardant. Enfin, il y avait ceux qui allaient visiter leur famille, bardés de leurs fardeaux.
Voilà tout le monde à bord, prêts à décoller. L’avion était plein à craquer. Il y avait beaucoup de passagers qui avaient réservé le service V.I.P. sur ce vol. Le service V.I.P., en quelques mots, c’est un service plus chic où le client reçoit un verre de champagne grand cru comme apéritif, accompagné de crackers salés, un repas amélioré composé d’une entrée, un plat et un dessert servi avec un quart de vin ou une bière. Les boissons fraiches sont à volonté pendant le repas et des mignardises et du café terminent le service. 
A l’aéroport, un comptoir d’enregistrement de bagages dédié spécialement aux passagers V.I.P permet à ceux-ci d'enregistrer les quelques kilos en extra. Tout cela pour seulement une trentaine d’euros en plus. 
Je peux vous dire que les Nico sortis du guide du routard ou les Zina maquillées comme des épouvantails qui avaient payé pour ce service ne se prenaient pas pour des queues de cerises.  Cette snobinarde honteuse des ses origines, qui s'efforçaient d'être classe jusqu'à la caricature, avait réprimandé sa fille pendant le service repas. Elle avait soulevé de son nez ses solaires Chanel en toc et avait jeté un regard méprisant au chef de cabine en disant : « Tu vois Zaia ce que tu vas devoir faire comme travail si tu n’étudies pas tes leçons? Tu devras servir des repas et du café dans l’avion.»  Heureusement, l'intéressé avait la langue agile et bien acérée. Il lui a décoché dans sa face de vieille geisha surpoudrée : "Excusez-moi madame, mais je ne suis pas ici seulement pour vous servir du café et votre repas. Avant tout, madame, je suis là pour votre sécurité à bord et pour sortir votre foutue carcasse si jamais on se crashe !!" Et il a enchaîné en lui lâchant dans son faciès cramoisi : "Vous savez, ce n’est pas donné à tout le monde de faire ce métier. Pour supporter des gens de votre genre, il faut être un minimum qualifié! Je parle 5 langues : néerlandais, anglais, français, allemand et espagnol. J’ai voyagé dans les 4 coins du monde et en vingt années d’expérience, je n’ai jamais entendu une critique aussi minable et méprisante. Alors la prochaine fois, madame, faites attention à ce que vous dites à votre fille. "
Enfin, pour lui clouer son vieux bec, il lui a proposé avec un grand sourire : "Vous prendrez du café avec votre repas?"  Il lui a fait ravaler son venin à cette pimbêche. Elle est restée scotchée pendant tout le vol sur son siège et n’a plus pipé un mot.  
     Un peu plus loin, un des golfeurs a appelé ma collègue par son prénom, comme si elle était sa soubrette : "Chloé, tu peux me resservir un quart de vin?" Elle s’est pris au jeu : "Oui bien sûr avec plaisir monsieur. Voici, ça fera 3.50€, s’il vous plait.
- Quoi !?! Je dois payer? Mais je suis en V.I.P. !
- Oui monsieur, vous avez déjà reçu une bouteille gratuite, les supplémentaires sont payantes. 3€50 s’il vous plait, merciii!" Non mais ça me tue ce genre de réflexion : il paye une semaine à 2000 euros pour aller golfer au soleil et il te chie à la gueule quand tu lui réclames 3,50 malheureux petits euros pour un verre de vin. Ils dépensent quelques dizaines d'euros et soudain, ils se croient à Buckingham, ces V.I.P. à deux balles!
Mais bon, aujourd'hui, pour concurrencer les low-cost, une série d'options parfois complexes s'ajoutent au service. Ainsi, un passager, quand il réserve son voyage, a la possibilité d'opter pour le fameux service V.I.P.,un repas standard ou rien du tout. Certains économisent comme des rats sur les choix proposés et font les offusqués quand, pendant le service, ils doivent payer pour des boissons ou des snacks. Il y en a même un  qui m’a traité de raciste car je ne lui avait pas servi de repas. Je lui expliqué en vain qu’il faisait partie des pax sans repas. Mais il beuglait : "Raciste! C’est scandaleux!
- Vous n'avez pas payé pour recevoir un repas, je ne vais pas vous en sortir un d'un chapeau! 
Et, pour votre information, je suis moi-même italienne et je ne me sens pas très raciste!"  Pffh se victimiser quand on n'obtient pas quelque chose qui ne nous est pas dû, c'est vraiment lamentable!
J'ai continué le service, celui avec les repas standards. Là, on m'a fait du chantage car ce n’était pas halal. Un barbu m'a lancé "Pourquoi tu me donnes ce repas alors qu’il n’est pas halal?" J’avais envie de lui dire : "Ce n’est pas écrit sur ton front que tu manges halal, ducon!" mais il a ajouté sur un ton agressif : "Donne-moi un repas halal!
- Je n’en ai pas monsieur, il fallait le commander au moment de la réservation de votre vol et ça coûtait 25€ par trajet." Là, dès que j’ai parlé de pognon, il a fermé son clapet velu. Alors, au passager suivant, un autochtone aussi, j’ai pris des précautions en l’informant d'entrée de jeu que le repas n’était pas hallal. Il m'a ri au nez et m'a dit : "Hahahhaha, arrête de me faire rire, envoie-moi deux bières!" Quant au suivant, il m'a dit : "Je ne veux pas de ton repas s’il n’est pas hallal!" Un chouya plus tard, pendant le vol, ce même passager me demande un double whisky coca! J’avais envie lui lâcher : " Et ça, c’est halal peut être!" Quel cinéma ce service! 
     Mais ce n’était pas fini. Vient le moment de la distribution des cartes d’immigrations et là, deux vieilles copines me demandent de l’aide pour remplir le formulaire. "Vous pouvez m’aider a compléter la carte? 
- Volontier, chère madame. Dans quelle ville descendez-vous?
- Je vais à l’hôtel Sarabiche quelque chose comme ça!"  
J'ai reposé ma question autrement : "Vous séjournez à Monastir ou à Djerba?" Elles étaient incapable de me répondre. Elles ont booké un voyage en Tunisie en all-in mais elle n’avaient pas la moindre idée d'où elles devaient débarquer... C’était bien craignos tout ça! "Donnez-moi vos documents de voyage, je vais vérifier." Elles allaient à Monastir, à l’hôtel Sahara Beach Resort. Je leur ai donc précisé qu’elles devaient descendre à la première escale, au cas où elle ne l'aurait pas su... Je ne voulais pas qu'on retrouve leurs vieilles carcasses entre deux dunes... 
     Pendant la vente des produits hors taxes, il y a eu cette nana qui voulait acheter un parfum pour homme, peut-être pour son amant à usage unique d’une semaine. Cette truie blonde platine qui voyageait seule, frustrée et avide, allait sûrement se faire démonter par des bledars en rut, amateurs de rondeurs. Il fallait voir sa dégaine de professionnelle! Une jupe en cuir, à ras de la fouf, un top rouge qui moulait ses énormes mamelles et tout autour d'elle, comme une aura, son odeur de mollusque pas frais... Je vous passe les détails. Enfin je plaignais ce Tunisien qui allaient devoir la supporter, alterner entre le jeu de l'amoureux transi et celui du toy-boy pour fidéliser cette grosse vache. Entre deux tching! de verres qui s'entrechoquent, il lui dirait : "Bienvenue en Tunisie!"