lundi 20 août 2012

Tout doit disparaître

     Je me rappellerai toujours de mon premier vol. Ma première destination devait être Rome. Je suis arrivé au briefing, un peu stressé. Je me demandais comment j'allais assurer. La chef de cabine manquait à l'appel : elle avait téléphoné pour dire qu'elle ne pourrait pas faire ce vol, parce qu'elle n'arrivait pas à ouvrir les yeux, ils étaient "collés"! Je dois dire aussi qu'elle n'avait pas bonne réputation car elle tapait souvent maladie en trouvant des excuses délirantes. En plus de ça, elle ramenait des snacks de chez elle pour les vendre à bord.
      Nous étions 6 sur ce vol, dont deux "observateurs". L'embarquement commençait et je me retrouvais au milieu de la cabine à accueillir les passagers, envahi par un mélange d'excitation et de trac. La chef de cabine de réserve est arrivée à l'avion, au moment où je faisais le check-cabine. J'avais constaté qu'il y avait deux bébés placés sur la même rangée, ce qui est interdit, vu qu'il n'y a pas assez de masques à oxygène en cas de dépressurisation de la cabine. Motivé, je l'ai signalé à la chef qui m'a répondu qu'effectivement, il fallait les changer de place. L'avion a décollé. J'étais surpris par tout le bruit et les mouvements qu'il y avait dans le galley arrière. Les collègues plus expérimentés nous montraient comment préparer les trolleys. Puis ils m'ont dit : "Vas-y tu peux commencer le service. 
- Ah bon? Je ne suis pas là pour observer?
- Non, non, si tu veux apprendre, tu dois te lancer, m'a fait la vieille hôtesse avec un air blasé."
Par respect pour les kilomètres qu'elle avait au compteur, je n'ai pas discuté, j'ai géré le service seul. Ce matin-là, c'était un plateau petit déjeuner composé de petits pains, viennoiseries, yoghourt, fromage, confiture et beurre. Les passagers étaient ravis de se goinfrer et moi j'étais content car jusque là, tout se passait bien!  Il était temps de débarrasser. La matriarche de l'air m'a demandé si, en reprenant les plateaux, je pouvais mettre de côté les confitures, beurres et yoghourts non consommés. J'ai remarqué qu'elle les emballait amoureusement dans des sacs à vomir. Elle m'a proposé d'en reprendre une partie; j'ai refusé timidement, tout en me demandant ce que j'allais foutre avec ça.
Sur le vol retour, après un service identique au premier, elle m'a à nouveau demandé si je voulais des confitures. Et cette fois-là, je lui ai répondu que j'en voulais bien quelques unes. Pour toute réponse, elle m'a passé un sac à vomir.
    Mon deuxième vol. Il y avait beaucoup de passagers en business, et donc un stock conséquent en champagne, vins et bières. La chef de cabine nous a proposé, à chacun, d'emporter une boisson alcoolisée pour la boire après le vol. J'ai accepté l'offre qui a rejoint, dans le sac à gerbe, le petit butin de confitures que j'avais amassé.
     Sur mon vol suivant, la chef nous a encore proposé du vin ou des bières à emporter. Quant à ma collègue avec qui je bossais à l'arrière faisait tranquillement son stock pour son barbecue du weekend : elle a piqué des gobelets en plastique, des tasses, du ketchup, des sets composés de sel et poivre, des couteaux, des fourchettes, des paquets entiers de serviettes en papiers ainsi que les bouteilles de coca entamées. Je l'ai regardée avec des yeux ébahis, je me disais elle est folle celle-là et je lui ai lâché : "Tu te crois chez Colruyt?!" Elle m'a lancé un regard et m'a dit : "Va-s-y, sers-toi! Fait ton shopping, prends un coca ou ce que tu veux!"
     Au fil des vols, j'ai remarqué que tout le monde chapardait des trucs à bord, et à chaque fois! Ca allait de choses simples comme des confitures ou du coca, de l'alcool ou des verres, à des choses absurdes comme du papier cul! Quand j'ai vu ça la première fois,  j'ai dit :  "Tu déconne là! Pas du PQ!" et elle m'a lancé d'un air gêné : "Mais j'en ai plu à la maison!
- C'est ça oui, tu fais un stock!" On a commencé à rire comme des dingues. Moi, je lui ai avoué que j'allais piquer une couverture et des coussins pour le bac du chien de ma mère... Elle m'a répondu : "Ah oui, bonne idée! File-moi-s-en une pour mon chat!"
     Je me rendais compte qu'on était tous devenus cleptomanes : on piquait des trucs insensée dont on n'avait même pas besoin. On avait même atteint le stade ultime de cette maladie mentale : non seulement on chapardait à bord mais aussi en escale! Dans les hôtels de luxe où on logeait, les articles classiques qu'on prenait, c’était les mini shampoings, gel douche, savons, limes à ongles, cotons-tiges, kit de couture, éponge pour cirer les pompes,... Comme on séjournait en all in, même le mini bar de la chambre était dévalisé!
On avait de grandes bouteilles d'alcool : rhum, whisky et vodka de grandes marques fixées au mur de la chambre, gracieusement mises à notre disposition et refiled tous les deux jours.
Dès l'entrée dans la chambre, on siphonnait les bouteilles. On ne laissait rien et le lendemain, quand Conchetta avait à nouveau rempli toutes les bouteilles en se disant certainement que nous étions tous des pochards, nous les vidions encore pour alimenter le stock d'apéros de la maison.
Il y en avait une qui faisait la collection des serviettes d'hôtels. Elle se servait à chaque escale de tous types et tailles de serviettes : de bain, de plage, pour les mains, des gants de toilettes et même, quand il y en avait, il des sorties de bain avec le nom de l'hôtel brodé dessus.  Elle avait un stock au point de pouvoir ouvrir un hôtel, me disait-elle.
Il y avait ce steward qui piquait les tasses et verres mis à disposition dans la chambre. Je lui ai demandé si on l'avait jamais capté, si on les lui réclamait. Il disait qu'il les avait cassées et balancées à la poubelle. " Ma femme est contente de toutes cette faïences que je lui ramène."  Il les lui offrait! N'importe quoi!
L'article le plus débile que j'ai piqué, c’était des cintres. Ils était harmonieux, élancés, luisants, fabriqués en bois subtil et parfois le nom de l'hôtel y était gravé. De vrais bijoux! C'était tellement chic et élégant que je ne pouvais pas les laisser là! Quand ma collègue m'a vu mettre ça dans ma valise, elle m'a dit en éclatant de rire : "J'ai vu les collègues piquer toute sorte de choses mais des cintres!!" Puis elle a ajouté ironiquement : "C'est n'importe quoi! C'est le top 50 des cleptos!" On était écroulés de rire. Elle m'a raconter qu'un jour, une chef de cabine, une coach en plus, s’était foutu la honte à la réception de l'hôtel au moment du pick-up pour le vol retour. On lui avait réclamé le sèche cheveux qu'on lui avait prêté. Morte de honte, elle l'a sorti de sa valise... elle l'avait soigneusement emballé! Elle l'a déballé et rendu avec gène, s'est tournée vers son équipage stupéfait qui observait cette scène délirante et leur a dit avec mauvaise foi : "Je comptais le rendre, j'ai juste oublié, c'est tout!" C'était en tout cas une bonne occasion pour la mettre mal à l'aise et se venger de tous les sales coups qu'elle avait l'art d'infliger à tous les crews. C'était du caviar de la regarder avec mépris comme une voleuse, une pilleuse, une clocharde qui n'avait même pas un sèche cheveux chez elle, avec un sourire sarcastique. Comme tout le monde la détestait, cette bitch, ils ne se sont pas gênés de rapporter et d'amplifier cet acte à tous les autres crews de la compagnies. Tous le monde s'était bien foutu de sa gueule, surtout celui qui lui avait lâché sec dans sa gueule : "La prochaine fois, pique ce que tu veux mais pas un sèche cheveux quand même!"
     Les dosettes de ketchup et de moutarde qui, empilées par dizaines dans mon armoire de cuisine, me sautent au visage à chaque fois que je l'ouvre, les yaourts qui monopolisent mon frigo, les serviettes de table dans lesquelles je me mouche, ... tout me rappelle que je suis dans un stade avancé de cleptomanie!!

PS: Certains pourraient voir dans ce récit un portrait avilissant du personnel de cabine, en ressentir un arrière-goût de malhonnêteté. Mais ce n'est qu'une caricature humoristique! Dans notre beau métier, les 3 pots de confiture ou les sachets de moutarde ne sont que des petits plus en nature qui finiraient de toute manière au bac. Que celui qui n'a jamais rapporté quoi que ce soit de son travail me jette la première pierre! L'infirmière qui ramène des médicaments, le boulanger qui se mange un croissant, le professeur qui fait quelques photocopies,... He bien les cabin crew ne sont pas plus catholiques que le pape!

dimanche 12 août 2012

Fans de cabin crew


      Travailler comme cabin crew, c'est être exposé aux regards de tous les passagers...
Lorsque vous prendrez l'avion, imaginez-vous à notre place, et spécialement à la place de celui qui fait les démonstrations de sécurité. Tous ces yeux sur vous, ces airs amusés voire moqueurs ou ces faces concentrées et contractées comme s'ils étaient en train de chier... C'est un peu comme jouer devant un public qui n'est jamais conquis et toujours renouvelé.
      Je ne vous dis pas le nombre de fois où on nous reconnaît à bord ou ailleurs. Pas étonnant qu'ils se rappellent de nous, vu que pendant ces longues heures de vol, ils n'ont rien d'autre à faire que mater nos moindres gestes ou nous saouler de leurs multiples exigences. Parfois, c'est agréable mais à d'autres moments, vous préféreriez qu'ils vous oublient! Je crois que je serais millionnaire si on m'avait donné 1€ à chaque fois qu'on m'avait dit pendant l'embarquement : "Vous étiez sur notre vol l'année passée!" Ou encore, avec beaucoup de classe : "Oh chou, c le mainnnme qu'à l'aller!" Ce qui me donne envie de leur répondre que je n'avais pas troqué mon boulot lors de l'escale, même si mes aptitudes à dire bonjour et à servir n'importe qui pouvaient être des atouts pour une reconversion dans la prostitution ou dans la vente de breloques sur les plages.
      Mais ça n'arrive pas que dans l'avion. Un jour, je faisais mes courses chez Adil, afin de ménager mon maigre budget de cabin crew. J'allais passer à la caisse. Voilà que le caissier me dit : "Je...je vous connais!
- Ah bon? Moi pas; vous ne me dites rien.
- Vous travaillez pas dans l'avion, a-t-il demandé, imperturbable, comme si nous prenions l'avion tous les jours ensemble.
- Oui, ai-je répondu machinalement.
- Je vous ai eu à bord quand je partais en Espagne, a-t-il enchaîné." 

J'espérais ne pas avoir à subir le récit détaillé de ses vacances avec sa grognasse sur la Costa Brava.
J'ai répondu : "Ah... voilà. Désolé si je ne me souviens pas de vous mais moi, je vois des centaines de gens par vol je ne reconnais pas tout le monde. Je vous dois combien? Bonne journée!"
      Une autre fois c'était dans un centre commercial à Lille, alors que j'achetais un cadeau pour l'anniversaire d'une collègue dans une boutique de décoration d'intérieur. Je flânais d'un rayon à l'autre quand la caissière m'a demandé si je n'étais pas personnel de cabine. J'avais envie de lui répondre :"Oui, et pour cette bonne réponse, vous avez gagné un aller simple pour Manchester avec Ryanair. Au programme : bed and breakfast miteux, bière plate et football." mais je lui ai juste lancé un oui. Elle a continué, sans attendre ma réponse en fait : "Je le savais! Je vous ai reconnu. Vous avez été très sympa avec ma nièce qui voyageait avec moi vers Sharm El Sheik. Elle ne voulait pas manger de viande et vous lui avez offert des pains en plus et du fromage." Oui, effectivement, je me rappelais d'eux car une semaine après, je partais aussi en vacances à Sharm El Sheik et, par le plus grand des hasards, j'étais avec eux en tant que passager sur le vol retour. Elles m'avaient déjà reconnu dans le bus qui nous transférait de l'hôtel à l'aéroport. Elles n'avaient pas pu s'empêcher de glousser et de beugler : "Hé! C'est le steward de l'aller!" Tout le bus s'était retourné! Je ne vous dis pas ma gêne!
     Toujours dans ce même centre commercial, mais un autre jour, je me baladais quand l'agent de sécurité, en grande discussion avec une jolie femme, m'a fixé bizarrement. Je me suis dit : "Qu'est-ce qu' il a, celui là? Pourquoi il me regarde comme ça? Il me prend pour une racaille?" Puis, il a fait demi-tour et m'a dit : "Vous n'étiez pas hier soir sur le vol Égypte?" Ca se voyait tant que ça que j'étais encore déchiré de ce fameux vol de nuit? Il a ajouté : "J'étais à bord, je vous avais demandé une couverture." Je pensais : "Merde! C'est pas le bureau des plaintes ici!" Sur ces vol de nuits il n'y a jamais assez de couvertures. A tous les coups, il allait me mettre sur le dos le rhume de sa pétasse. J'ai dit : "Ah oui, je vous reconnais très bien!" Je me souvenais surtout que la femme qui l'accompagnait sur le vol n'était pas celle qui le tenait là par le bras comme une désespérée.  C'était sûrement sa maîtresse... Avec un soupçon de langue de pute, j'avais envie de lui dire : "Par contre, mademoiselle, elle, n'était pas à bord!!!"
      Une autre fois, je faisais les boutiques en ville quand j'ai aperçu deux passagers que j'avais eus à bord. J'ai fait semblant de ne pas les avoir vus quand ils ont rapidement fait marche arrière et m'ont crié : "Hé salut! Comment vas-tu?" et déjà, ils m'embrassaient. C'était assez marrant, ils me connaissaient mais ils ne savaient plus d'où. Je leur ai remémoré que c'était sur le vol Zanzibar. L'équipe était restée une semaine sur place à cette destination, et donc la moitié des paxs ont fait l'aller-retour en même temps que nous. Je ne vous dis pas comme ils étaient envieux quand ils ont capté qu'on venait de passer une semaine all-in-tous frais payés, tout comme eux, mais en étant rémunéré pour ça! 
Nous avions échangé quelques mots sur mon métier, c'est pour ça que je les avais reconnus. Ils m'ont proposé de passer un jour dans le café où  ils bossaient pour boire un verre.  Cette fois-là, c'était assez sympathique. 
     Mais la situation la plus étonnante, c'était sur le vol retour de Malaga, un été. Deux amis de la cinquantaine, dont un était accompagné de son fils, ont déboulé dans le galley arrière comme des sangliers et m'ont lancé agressivement : "On reçoit à manger ici?
- Oui monsieur, après le décollage, on passera en cabine. 
- Et ça sera kasher? car chez El Al, c'est kasher (pour ceux qui ne connaissent pas, c'est la compagnie aérienne israélienne nationale)!  
- C'est une compagnie charter belge, monsieur. Les repas ne sont pas kasher. Si vous vouliez un repas kasher, il fallait le réserver en avance, moyennant un supplément de 25€ par vol.
- Non non, c'est bon, on fera avec, a-t-il conclu d'un air frustré." 
Quand il s'agit de payer, on se dégonfle, hein? Rapiat va! 
Et ça, c était que le début... Son ami me disait quelque chose. Lorsque j'ai entendu : "Hé David, on reçoit un repas! Cool, hein!"  tout s'est éclairé : mince, c'était le gars avec qui j'avais fait un constat car j'avais éraflé sa voiture. Elle n'avait vraiment rien du tout, juste quelques griffes. Il voulait le faire à l'amiable et m'avait demandé 500€. Je lui avais répondu : "You wish! On fait un constat!" J'avais les nerfs ce jour-là. 
Bref, nous sommes partis de Malaga et pendant le service, alors que je distribuais les repas, ma collègue s'est tournée vers moi et m'a demandé si elle avait encore son nez! Amusé et étonné, je lui ai dit : "Quoi?! Qu'est-ce que tu racontes?" Elle répète, plus fort pour que toute la cabine l'entende : "J ai encore mon nez? 
- Ben oui! 
- T'es sûr? car tu vois ces passagers, a-t-elle lâché en me montrant "David" et son pote, me l'ont bouffé. COCA!! COCA!!, a-t-elle hurlé devant eux, c'est comme ça qu'ils me demandent ce qu'ils veulent boire!" 
Elle leur a foutu une de ces hontes! Je jouissais ! Moi, je continuais à distribuer les plateaux, en réprimant un fou rire. Les paxs se demandaient ce que j'avais. Il faut dire qu'elle a du répondant, cette collègue aussi grande que large. D'ailleurs, elle continuait à me faire rire; elle m'a lâché : "Mes fesses me brûlent! 
- Hein? Qu'est-ce que tu racontes? "
Elle a ajouté bien haut, pour que toute la cabine en profite : "Tu vois les deux connards arrogants qui m'ont bouffé le nez? Quand je leur ai demandé ce qu'ils voulaient boire et que je me suis penchée pour les servir, ils m'ont brûlé le cul avec leurs yeux. Je les ai entendu critiquer mon derrière."  Une vraie tarée, cette collègue : elle n'a pas froid au yeux! 
     Voilà quelques récits de retrouvailles avec mes charmants ou odieux passagers. 

mardi 7 août 2012

Fais pas ta maline au check-in!

     Un jour, alors que j'étais affectée au check-in d'une compagnie low-cost, mon attention a été attirée par une femme de la cinquantaine. Sa choucroute brushinguée à la Franck Provost, son vison au poil luisant, ses bijoux surdimensionnés et son parfum haute couture qui contaminait toute la file, tout en elle exigeait l'attention et l'obéissance.  Elle s'avançait vers moi comme si elle arpentait un magasin de luxe. Elle a ouvert son sac et m'a jeté son passeport à la face avec mépris, en disant : "C'est pour Monaco!" J'ai pris son passeport avec haine et je lui ai répondu en surjouant :"Bon-jour! Je suppose que vous voulez dire Nice?
- Oui mais enfin, j'ai un hélicoptère qui m'attends à Nice pour me déposer à Monaco. Organisez-moi le transfert!
- Je ne crois pas, Madame, nous sommes une compagnie low cost. Nous n'offrons pas ce genre de service.
Avez-vous des bagages, Madame?
- Non, j'ai juste mon bagage à main qui est là.
- Je vais vous demander de le mettre sur la balance.
- Ah non, hein! On ne vas pas l'enregistrer, hein! Vous savez combien ça coûte? Il coûte cher, hein! C'est un Louis Vuitton!
- Je vois bien, Madame que c'est un Vuitton.  Et pourtant, il va falloir l'enregistrer, Madame! Il pèse 15kilos et vous n'avez droit qu'à 6kilos de bagage à main.
- Ah non! Mon dieu, faites un effort quand même! Vous allez me l'abîmer. Il coûte cher ce sac. C'est un Vuiton!
- Désolée Madame, c'est la règle!"
Je vous passe les longues minutes de négociation, elle ne voulait pas le quitter, son foutu sac! Elle avait même voulu parler au manager. Finalement, elle avait accepté de se séparer de son odieux bijoux.
J'ai imprimé la carte d'embarquement et le ticket de bagage de cette pétasse et je les lui ai tendus en lui souhaitant un bon voyage. Elle s'éloignait déjà sur ses hauts talons quand j'envoyais son beau sac Vuitton sans label d'identification sur le tapis.
Je me suis dit :"Ramasse! T'as voulu faire ta belle et m'écraser de tout ton mépris avec ton sac immonde? Tu croyais que tout t'était dû? Hé bien moi, je fais ma bitch avec toi: ton beau Vuitton restera à Bruxelles!"

Destination "Boergas"

     C'était un samedi soir. Pendant que mes amis se préparaient à faire la fiesta toute la soirée, moi je m'apprêtais pour une nouvelle destination.
19h00 : je débarquais dans le QG de la compagnie pour assister au briefing de la chef de cabine pour ce vol; pour les profanes, cet entretien consiste à recevoir des informations pratiques concernant le vol (nombre de passagers, temps de vol, service donné, attributions des postes de travail,...) Ce jour-là, je recevais la poisse euh... la place fuie par tous les cabin crew: 3right. J'allais devoir checker le catering, dire bonjour une centaine de fois et me prendre le mistral autant de fois ou presque en pleine face, distribuer des gilets et des ceintures aux avortons pleurnichards, faire la démo de sécurité devant un public plus perplexe que captivé et me taper la distribution des repas. La chef nous rappelle solennellement que nous allons à Burgas Varna, au bord de la mer Noire en Bulgarie. Elle avait l'air de réprimer une violente envie de soupirer. En effet, j'avais entendu dire par des collègues que c'était un vol "pas facile" avec un public "assez spécial". J'avais voulu en savoir davantage, et on m'avait répondu ça ne s'explique pas, ça se vit...
     Nous sommes partis pour l'avion. L'embarquement commençait. Je me suis mis à mon poste à côté des sorties de secours pour réceptionner le bétail. Les premiers paxs franchissaient la porte. 
" Goien avond / bonsoir!
- ... (un premier vent)
- Goien avond / bonsoir!
- ...
- Goien avond / bonsoir!
- Ja.
- Goien avond / bonsoir!
- Wablieft??!
- Goien avond / bonsoir!
- Ah!
- Goien avond / bonsoir!
- ...
- Elle te dit fourte, me dit un collègue.
- Bonsoir, répond finalement la nieuse. "
En les regardant passer, j'avais l'impression que j'étais assis au bar de la taverne du coin : le couple de pochards au visage couperosé, les piliers de comptoirs à l'haleine chaude, éthylée et piquante, les Bulgarces au sourire en or rapatriées de la gare du nord, les moustachus au dentier défoncé,... Je savais déjà que la bière et le gros rouge allaient couler à flot! Je n'ai pas peur de dire qu'ils avaient dû rogner de leur budget cigarettes roulées au moins 199€ pour leur all-in piquette à volonté d'une semaine.
     Les passagers enfin arnachés comme des poneys au regard expressif de merlan frit, ou expectatif comme si j'allais leur faire un spectacle de majorette, singeaient lamentablement les consignes de sécurité que je leur donnais d'un air blasé. L'avion en bout de piste attendait l'autorisation de décoller.  Soudain, le passager de la dernière rangée côté couloir, en mode marcel, slash Jupiler et coiffure huileuse, a ouvert sa tablette et y a déposé son 6pack de Carapils avec fracas! "Hé! Monsieur! Fermez votre tablette, on va décoller!"
Gêné, il a rangé son stock sous son siège, mais pas sans avoir pris soin de prélever une cannette.
CLIC PSHHHHH! Malgré les réacteurs qui rugissaient dans l'impulsion du décollage, on avait entendu clairement le bruit d'une cannette qu'on ouvrait, suivi d'un GLOU GLOU avide. S'il voulait être discret, c'était plutôt raté! Je me suis tourné vers ma collègue, l'air étonné et elle m'a fait signe de la main de laisser tomber.  Je lui ai quand même dit qu'il ne pouvait consommer que les boissons alcoolisées vendues à bord.
Donnez-moi quat' bières! me dit-il avec sa voix d'ivrogne .
Ce soir là, le service repas ressemblait plutôt à un service buvette de kermesse. L'heure était maintenant à la vente des produits hors taxes. Les fardes de cigarettes se vendaient comme des petits pains! Privés de houblon, les paxs se rabattaient sur le JB, le Jack, le Johnny et la Smirnof.  D'autres se jetaient sur les dernières bouteilles de Ricard, pour leurs soirées romantiques sur la terrasse de l'hôtel bas de gamme. Sidji en tenue fleurie et maquillage perroquet y trinquerait avec Dylan en chemise hawaienne, la clope vissée au bec, en se disant : "Dans les yeuuuux!" Arrivé à la dernière rangée, le passager me demande 10 fardes de cigarettes. Je les lui ai données en constatant qu'il en avait déjà achetées huit au duty free de l'aéroport. Il s'était sans doute fait une provision pour ses soirées bingo.
     Soudain, un autre passager a appelé. J'ai lancé à ma collègue : "Putain, ils vont pas nous lâcher, ceux-là!" Je suis allé voir ce qui se passait.  Une petite gens de Wallonie de la quarantaine qui voulait sûrement se la jouer classe avec son vrai faux chemisier Gucci (moi j'avais plutôt envie de lui dire qu'elle avait des goûts de chiotte) me demandait lamentablement de dire au passager assis devant elle de redresser son fauteuil.  Son petit corps gras saucissonné dans son siège n'avait plus assez de place! Elle ne parlait pas le flamand pour le lui dire elle-même. Je lui ai répondu que pendant les vols de nuit, les passagers pouvaient incliner leurs sièges et que je n'étais pas un gendarme pour gérer les disputes de cour de récrée. Puis, je l'ai plantée là avec ces informations en me disant :"Tire ton plan baraki!" Quelques minutes plus tard, alors que j'étais en plein potin dans le Galley, j'ai entendu un "A l'aiiide!" hystérique. J'ai accouru. M'attendant à un coma éthylique, je me retrouvais encore face à la même rombière mais avec un oeil au beurre noir en plus sur sa face bouffie. Je lui ai demandé ce qui s'était passé.  Elle m'a répondu que le type en face d'elle lui avait mis un pain. Celui-ci m'a raconté la scène. La passagère lui donnait des coups de genou dans le siège, il les lui rendait en poussant avec son dos. Il s'est alors retourné et elle a saisi la poupée de sa fille pour le frapper au visage. Furieux, il lui a donné un coup de poing. J'ai décidé de déplacer le passager, pour calmer leurs ardeurs. Elle me disait :"Je veux porter plainte!" Je suis allé rejoindre mes collègues en leur disant que c'était juste encore des passagers qui se bouffaient la gueule à cause des sièges. Ce vol portait vraiment bien son nom : Burgas, que des bourins à bord qui ne savent pas se tenir. 

mercredi 1 août 2012

Le Petit Poucet, version trash


     Ce jour-là, je pensais avoir tout vu, dans ma courte carrière.  J'avais affronté toutes sortes de paxs: des goujats hargneux aux malodorants expansifs, des racailles agressives aux des cassos bruyants, des bobos exigeants aux sales gosses mal élevés,... Je croyais tous les connaître et je me trompais.
     C'était sur un de ces fameux vol triangle Bruxelles-Sharm el Sheik-Hurghada-Bruxelles, sur le vol retour. J'étais à la place convoitée par tous les crew pour les longs vols : 3left. Tous les passagers semblaient assez pressés de retrouver leur routine déprimante. Ils tiraient la gueule jusque par terre comme s'ils attendaient leur tour à l'abattoir, alors qu'ils revenaient de belles vacances ensoleillées.
     Enfin le dernier stretch de cette longue journée Hurghada Bruxelles; l'embarquement commence.
Une vieille tarte, morte bourrée, qui avait sûrement dû bien picoler au all-in de l'hôtel, s'est avancée en tanguant dans le couloir. Une collègue lui a demandé si elle allait bien, si elle avait pris quelque chose. Non, non, j'ai juste bu quelques verres parce que j'ai peur de l'avion. L'hôtesse avait envie de lui répondre :"Oui, oui, c'est ça, vieille alcoolo!" mais, très correcte, s'était contentée d'un : "Vu que vous êtes dans cet état, on ne vous servira pas d'alcool pendant le vol." La passagère a ensuite demandé une assistance car elle avait du mal à se déplacer. Elle a installé, à la dernière rangée, sa dégaine de cougar au pantalon noir transparent laissant voir un string blanc et au top à paillettes, à travers lequel on devinait son soutien-gorge fushia à dentelles moulant ses vieux seins. Attifée comme elle l'était, elle aurait sans doute obtenu la palme de l'élégance chez les cassos. Le vol n'était pas plein : côté fenêtre, elle avait pour elle les trois derniers sièges. En outre, elle s'était blessée à la jambe, probablement en tombant dans la piscine, ivre morte d'être allée picoler comme un trou matin, midi et soir!
     Tous les paxs étaient bien installés. La chef de cabine annonce dans le PA:"Cabin crew close door and arm slides."
L'avion venait de décoller quand le 30A a appelé... Dès le signal Cabin crew released, je suis allé voir ce qu'elle voulait. Elle réclamait du vin rouge. Moi, j'ignorais qu'elle avait déjà assez bu. Je lui ai dit : "Dans quelques minutes, on arrive avec le service, madame!" Je venais à peine de tourner les talons quand elle a à nouveau appelé. Je lui ai donné sa vinasse tant désirée. Elle m'en a demandée une deuxième. Je lui ai ajouté une bouteille en me disant qu'elle se croyait encore dans son all inclusive, celle-là. 6 euros madame, s'il vous plaît!
Une fois prêts dans le Galley, on a démarré le service, avec encore en tête les milliers de demandes des passagers qui ne comprennent jamais qu'un seul service va contenter tout le monde à la fois! La soularde a redemandé du vin. Deux bouteilles.  Elle refoulait du goulot, alors je ne suis pas entré dans les détails: je lui ai refilé sa piquette. Au moment du café, je lui ai proposé un "thé ou café" mais elle était en train de comater la gueule ouverte, montrant son vulgaire décolleté. Je me suis dit que celle-là au moins elle nous ficherait la paix le reste du vol. Le service achevé, une dizaine de personnes avaient toutes décidé d'aller chier en même temps. J'ai pensé qu'un collègue avait peut être encore bloqué une des toilettes.  On en ouvre une autre mais malgré cela, le couloir ne désemplit pas!
Tout-à-coup, la cougar s'est levée comme une somnambule, elle a dépassé tout le monde en beuglant que c'était urgent.  Le mécontentement des autres passagers a très vite fait place à une autre impression. Mais c'est quoi cette odeur! Ca pue! J'ai ouvert le rideau, un parfum de merde a envahi mes narines. Je me suis tourné vers les passagers, ils ont désigné la porte entrouverte des toilettes. On pouvait apercevoir la nana assise, le pantalon à moitié baissé. Tout va bien! Tout va bien! Elle est sortie de là, naturellement, en boitillant, un morceau de merde attaché au string, qui n'était plus blanc du tout. Dans le couloir, on pouvait deviner son trajet aux traces et aux dépôts brunâtres laissés ça et là.  Elle s'était replongée dans son coma éthylique.
     Personne ne voulait ramasser et nettoyer toute cette merde et c'était l'heure du duty free.  Un collègue a saupoudré le tout de café soluble, en vain! L'odeur n'en était que plus corsée. Puis, un autre a mis des sacs duty free et des couvertures par dessus le tout pour masquer le carnage... A chaque passage du trolley sautillant, l'odeur tenace, comme accrochée aux roues, se diffusait dans la cabine, malgré les efforts d'une hôtesse qui passait régulièrement avec le minable spray désodorisant du steward's kit.
     C'était une histoire vraie.Si vous vous reconnaissez, n'en faites pas la publicité et mettez ça sur le compte du blackout!
Prochainement sur nos lignes,une nouvelle consigne...