mercredi 7 août 2013

Ibiza loverdose




Durant la saison estivale, la compagnie avait dealé un contrat avec des tours opérateurs anglais pour opérer des vols charters du Royaume Unis et de l’Irlande vers la « F*** me I'm famous » island des Baléares. Elle y avait basé un avion qui ferait des allers retours pendant toute la période.  Une vraie ligne de coke.
Le mois d’août allait me réserver la surprise d’un sésame vers cette destination extatique. La mission de 3 jours commençait par un dead heading, qui nous transportait sur place en tant que passagers. C’est Iberia et ses hôtesses matadors qui allaient nous y expédier dès l’aube, comme à une sortie de discothèque. Les yeux collés et deux de tension, nous nous sommes vautrés sur nos sièges comme des « Pachas ». Un battement de cils plus tard, nous étions à Madrid où une correspondance nous attendait pour l’île stupéfiante. Arrivés à destination, nous étions déjà en train de programmer nos sorties, orchestrées par un collègue qui connaissait les bonnes adresses. 
Les bagages posés, nous avons commencé notre trip de l’île par la plage. A playa d'en Bossa, les clubbeurs récupéraient la nuit, explosés sur leur serviette, les yeux éclatés masqués par des lunettes noires, l’écume aux lèvres. De loin, on se demandait s’ils dormaient ou s’ils avaient succombé à une overdose car juste à côté, Lmfao, le son monté à fond, invitait quelques pouffiasses en string et hauts talons à se trémousser sur le dance floor granuleux. « I’m sexy and I know it » criaient les hystériques, dressant leur coupe de champagne comme pour atteindre le ciel. Nous avions tous hâte de monter dans ce train déraillé et c’était l’heure de l’apéro. La sangria, la tekila, la vodka, les mojitos coulaient à flot un peu partout en ville, hors de prix.

Le temps passe vite chez les Guetta et la nuit était déjà tombée. Mais la nuit du continent  est le jour d’Ibiza. Notre guide nous a emmenés dans les hauteurs de la vieille ville, qui se réveillait doucement. Tout-à-coup, une meute de créatures de la nuit, dansant et chantant sur la house music, défilait sous nos yeux hagards. Ils venaient promouvoir le programme de soirée de leurs discothèques. Il y avait des hommes, des femmes, des travestis, des animaux anthropomorphes, bardés de plumes multicolores et coiffés comme au carnaval de Rio. Une collègue et moi voulions nous joindre à ce cortège de l’enfer mais malheureusement pour nous, nous devions planer tout autrement, dès 6h du mat vers East Middland airport.   

A l’embarquement, un groupe de jeunes filles en fleurs, grisées par les faveurs des DJ résidents, jouaient les stars, se faisant prendre, en photo cette fois, en face des boutiques.  Encore sous GHB, elles se moquaient des derniers appels pour embarquer et accumulaient quelques clichés supplémentaires.  Elles allaient même pouvoir tourner un film de leur déchéance car le commandant avait décidé de faire décoller le zinc sans elles! 
Quant à nous, nous ramènerions les fêtards, condamnés à se sevrer de tout ce qu’ils avaient pris puis apporterions sur l’île la nouvelle déferlante de clubbers célibataires et de familles. Même avec les sens altérés, il n’était pas difficile de distinguer les uns des autres. Le clubbeur est fashion dès 6 heures du matin. Il voyage seul ou en groupe exubérant. Il porte son tshirt à l’effigie des temples païens : « le Pacha », « le Space », « l’Amnesia » ou « le Privilège », expose sa collection de tatouages et fait sonner les portiques de sécurité du check in avec sa collection de piercings. La clubbeuse chausse des bottes à franges, un mini short en jeans déchiré et un chapeaux de cow-boy à paillettes pour chevaucher Pégase. Ils épuisent à eux seuls les stocks de miniatures d’alcool. Ils s’attaquent ensuite au champagne, puis au vin ou à la bière jusqu’à assécher le trolley.  Certains, avec leur frange et leur sourire béat, sont des clones de Cathy et David Guetta. Perdues dans cette faune nocturne, des familles stéréotypées, au facies stupéfait comme s’ils regardaient défiler la gay pride. Et oui, à Ibiza, il y a aussi des plages et des hôtels pour petites familles modèles… Sidji et Donovan couvaient d’un regard rassurant Kenny et Sandy regardant un Disney sur leur « I-Patt », entourés d’une dizaine de jeunes toxicos saisonniers plongés en hypersommeil, après avoir chassé le dragon toute la nuit. Ils amorceraient leur descente bien après l’avion…

La nouvelle vague vers Ibiza était des plus raffinées.  En classe VIP, un couple de gays très tendance malgré leurs 50 ans, paradaient comme deux hybrides de Cathy et David, un plus blondasse, l’autre plus peroxydé, mais aimant tous deux les beats comme les Guetta. Ils avaient emmené dans leur bagage à main, Vuiton bien sûr, un caniche rose qui mourrait sûrement un jour d’asphyxie, à force d’être teint.  Ses petites pattes manucurées, son mantelet Chanel  et son collier en diamants Swarovski étaient comme un appel à la prostitution canine.  Juste à côté d’eux, un couple du même âge mais au look d’ancien motard, s’était installé laborieusement. La femme avait une jambe qu’elle disait enflée par une chute, mais qui suait la goutte ; une de ses pantoufles semblait prête à exploser à la gueule des vieilles folles au caniche qui lui jetaient des regards méprisants et écoeurés. Son kif devait être l’ivresse répétée car, comme dans un morceau techno hardcore, elle rotait bruyamment dans les basses après chaque gorgée de champagne de bienvenue. Son mari racontait aux malheureux passagers qui se rendaient aux toilettes les moments les plus captivants de sa vie de merde.  Je me demande encore ce qu’ils allaient foutre en classe VIP…et encore plus à Ibiza!
Un peu plus loin, en classe éco, deux copines étaient assises ; c’était comme une hallucination sous LSD. L’une avait une tête de putois, avec sa coupe rasée sur les côtés et sa brosse noire à unique bande blanche. L’autre avait en guise de cheveux  un castor mort sur la tête, la queue pendant vers l’arrière, à la Davy Crocket. J’imaginais la tête du clubbeur qui aurait pris du peyotl et qui tomberait nez à nez avec ces deux créatures zoomorphes lui parlant avec un accent de Liverpool déformé par le protoxyde d’azote… Very bad trip ! Mais l’avion allait enfin décrocher du ciel et atterrir sur l’île de la musique électro, de la drogue, du sexe et des familles exemplaires.


(à suivre)

2 commentaires:

  1. ." L’une avait une tête de putois, avec sa coupe rasée sur les côtés et sa brosse noire à unique bande blanche. L’autre avait en guise de cheveux  un castor mort sur la tête, la queue pendant vers l’arrière, à la Davy Crocket." Il faut pas aller loin pour voir ce genre de specimen faunesque. Rue neuve bruxelles ou matongé, on y retrouve des croisements de rihanna et de pink avec une larme de prince dans son clip de kiss.

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  2. Rihanna, Pink et Kiss dans une même coiffure! Quelle savoureuse comparaison! L'image telle que tu l'as décrite est encore plus frappante que les moumoutes animalières. J'ai été transporté dans la masse capillaire de la rue Neuve pendant quelques instants!

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