mercredi 1 août 2012

Le Petit Poucet, version trash


     Ce jour-là, je pensais avoir tout vu, dans ma courte carrière.  J'avais affronté toutes sortes de paxs: des goujats hargneux aux malodorants expansifs, des racailles agressives aux des cassos bruyants, des bobos exigeants aux sales gosses mal élevés,... Je croyais tous les connaître et je me trompais.
     C'était sur un de ces fameux vol triangle Bruxelles-Sharm el Sheik-Hurghada-Bruxelles, sur le vol retour. J'étais à la place convoitée par tous les crew pour les longs vols : 3left. Tous les passagers semblaient assez pressés de retrouver leur routine déprimante. Ils tiraient la gueule jusque par terre comme s'ils attendaient leur tour à l'abattoir, alors qu'ils revenaient de belles vacances ensoleillées.
     Enfin le dernier stretch de cette longue journée Hurghada Bruxelles; l'embarquement commence.
Une vieille tarte, morte bourrée, qui avait sûrement dû bien picoler au all-in de l'hôtel, s'est avancée en tanguant dans le couloir. Une collègue lui a demandé si elle allait bien, si elle avait pris quelque chose. Non, non, j'ai juste bu quelques verres parce que j'ai peur de l'avion. L'hôtesse avait envie de lui répondre :"Oui, oui, c'est ça, vieille alcoolo!" mais, très correcte, s'était contentée d'un : "Vu que vous êtes dans cet état, on ne vous servira pas d'alcool pendant le vol." La passagère a ensuite demandé une assistance car elle avait du mal à se déplacer. Elle a installé, à la dernière rangée, sa dégaine de cougar au pantalon noir transparent laissant voir un string blanc et au top à paillettes, à travers lequel on devinait son soutien-gorge fushia à dentelles moulant ses vieux seins. Attifée comme elle l'était, elle aurait sans doute obtenu la palme de l'élégance chez les cassos. Le vol n'était pas plein : côté fenêtre, elle avait pour elle les trois derniers sièges. En outre, elle s'était blessée à la jambe, probablement en tombant dans la piscine, ivre morte d'être allée picoler comme un trou matin, midi et soir!
     Tous les paxs étaient bien installés. La chef de cabine annonce dans le PA:"Cabin crew close door and arm slides."
L'avion venait de décoller quand le 30A a appelé... Dès le signal Cabin crew released, je suis allé voir ce qu'elle voulait. Elle réclamait du vin rouge. Moi, j'ignorais qu'elle avait déjà assez bu. Je lui ai dit : "Dans quelques minutes, on arrive avec le service, madame!" Je venais à peine de tourner les talons quand elle a à nouveau appelé. Je lui ai donné sa vinasse tant désirée. Elle m'en a demandée une deuxième. Je lui ai ajouté une bouteille en me disant qu'elle se croyait encore dans son all inclusive, celle-là. 6 euros madame, s'il vous plaît!
Une fois prêts dans le Galley, on a démarré le service, avec encore en tête les milliers de demandes des passagers qui ne comprennent jamais qu'un seul service va contenter tout le monde à la fois! La soularde a redemandé du vin. Deux bouteilles.  Elle refoulait du goulot, alors je ne suis pas entré dans les détails: je lui ai refilé sa piquette. Au moment du café, je lui ai proposé un "thé ou café" mais elle était en train de comater la gueule ouverte, montrant son vulgaire décolleté. Je me suis dit que celle-là au moins elle nous ficherait la paix le reste du vol. Le service achevé, une dizaine de personnes avaient toutes décidé d'aller chier en même temps. J'ai pensé qu'un collègue avait peut être encore bloqué une des toilettes.  On en ouvre une autre mais malgré cela, le couloir ne désemplit pas!
Tout-à-coup, la cougar s'est levée comme une somnambule, elle a dépassé tout le monde en beuglant que c'était urgent.  Le mécontentement des autres passagers a très vite fait place à une autre impression. Mais c'est quoi cette odeur! Ca pue! J'ai ouvert le rideau, un parfum de merde a envahi mes narines. Je me suis tourné vers les passagers, ils ont désigné la porte entrouverte des toilettes. On pouvait apercevoir la nana assise, le pantalon à moitié baissé. Tout va bien! Tout va bien! Elle est sortie de là, naturellement, en boitillant, un morceau de merde attaché au string, qui n'était plus blanc du tout. Dans le couloir, on pouvait deviner son trajet aux traces et aux dépôts brunâtres laissés ça et là.  Elle s'était replongée dans son coma éthylique.
     Personne ne voulait ramasser et nettoyer toute cette merde et c'était l'heure du duty free.  Un collègue a saupoudré le tout de café soluble, en vain! L'odeur n'en était que plus corsée. Puis, un autre a mis des sacs duty free et des couvertures par dessus le tout pour masquer le carnage... A chaque passage du trolley sautillant, l'odeur tenace, comme accrochée aux roues, se diffusait dans la cabine, malgré les efforts d'une hôtesse qui passait régulièrement avec le minable spray désodorisant du steward's kit.
     C'était une histoire vraie.Si vous vous reconnaissez, n'en faites pas la publicité et mettez ça sur le compte du blackout!
Prochainement sur nos lignes,une nouvelle consigne...

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