mardi 13 novembre 2012

Daaallas! Ton univers impitoyable!


     Que le temps peut être interminable parfois…  Je suis là, assis derrière mon desk depuis 4h du matin, les muscles si engourdis que je me demande si je vais pouvoir me relever un jour de ma chaise.  Enfin, j’étais presque à la fin de mon shift. 
J’étais absorbé par une gymnastique locale pour dégourdir mes orteils endoloris, me balançant comme dans un rocking chair, lorsqu’une espèce de pétasse yankee s’est dressée devant moi.  Elle avait surgi de nulle part comme un spectre en me lançant un « Hiiii ! »  Elle me demandait dans un anglais limpide comme du chewing gum de l’enregistrer pour son vol vers Dallas, via Francfort.  Dallas, bien sûr ! Elle retournait sans doute au ranch, cette bouseuse, après avoir fait la belle dans l'est des rues européennes.
Plantée devant moi comme un cactus, elle m’assénait ses exigences comme autant d’épines qui se plantaient dans ma peau.
« I want a seat at the emergency exit, next to a window AND you will check my luggage until Dallas!
- Yes, Madame, if it is possible! ”
Là, elle s’est  penchée un peu plus vers moi. Les talons détachés de ses santiags, elle s’est donné plus de volume, comme les lézards qui déploient leur collerette lorsqu’ils veulent attaquer une proie. En dressant vers moi son index manucuré prêt à m’embrocher comme une saucisse pour le barbecue du soir, elle a répété : “You willllllll check my luggage until Dallas !
- Of course Madame if it’s possible because…”
Cette espèce de Sue Ellen en manque ne m’a même pas laissé terminer ma phrase et avec toute la classe du Texas, m’a balancé une fois de plus son “You will check my luggage untill Dallas…”
D’où j’étais, je voyais les deux cavités dilatées qui lui servaient de narines, tellement elle levait son blair bien haut.  D’après le relief, elle l’avait certainement refait au rabais.  D’ailleurs tout était faux et low cost chez elle : son lifting lui tirait tellement le visage qu’il rappelait celui de Jackie Stallone. Sa peau suintait le botox par tous les pores et même là, alors qu’elle faisait la gueule, elle semblait sourire.
“Yes, I have to check if it’s possible.”  C’est qu’elle devenait vraiment agaçante, cette pétasse ! Je brûlais de lui dire qu’elle retourne dans son ranch se faire tringler par un cow-boy, à cheval sur son foutu bagage !
“Pfff!  Oh my gooood ! Do you hear what I say ? You will check my luggage until…”
- Ok, ok, ok ! It’s possible ! ” Attends, tu vas voir,  connasse. Ta valise, c’est pas à Dallas que je vais l’envoyer mais à San Francisco. Tu vas galérer pour te faire rapatrier tes bottes à franges, tes chaps en cuir et tes culottes en jeans ! 
“Here you are Madame! This is your boarding’s passes to Frankfurt and then to Dallas and your bags are checked in until Dallas, your final destination!!! As you asked so kindly !!!”
J’ai pris soin de pas lui donner le ticket de son bagage, en feignant de l’avoir rangé dans son passeport.  Je l’avais bien sûr jeté dans la poubelle à mes pieds, pour ne pas laisser de preuve. Daaallas ! Ton univers impitoya-a-ble !
«Have a nice flight Madame!
- Thank you soooo much, m’a-t-elle lancé avec sarcasme et condescendance, comme si j’étais son valet de ferme. »
Quand tu t’apercevras que tes valises ne sont pas arrivées à bon port, mais en Californie, dans une ville gay et démocrate, tu vas faire un sacré rodeo de rage devant le carrousel à bagages de l’aéroport républicain.
     Une semaine plus tard j’étais convoqué au bureau ; je me suis dit que j’allais me faire lyncher… Sue Ellen avait certainement envoyé un mail incendiaire à mon encontre.
 « Steph, tu te souviens d’une valise envoyée à San Francisco ?,  m’a demandé ma superviseure.
- Euh…Oui, pourquoi ?, ais-je rétorqué d’un air innocent. »
Je m’entendais très bien avec elle ; je ne pouvais pas lui mentir.  De toute façon, ça n’aurait servi à rien de nier les faits ! Avec un peu de gêne, mais aussi un sourire au coin des lèvres au souvenir de ce bon coup, j’ai commencé à lui expliquer la scène. Comment elle est arrivée au check-in, comme si elle était sur un cheval, et comment elle a commencé à m’aboyer toutes ses réclamations. Et surtout, comment elle m’avait saoûlé en répétant toujours la même phrase, comme si elle m’avait gueulé de la country dans les oreilles.  Hors de moi, je n’avais pas résisté à l’envie irrépressible de la punir.
Au fur et à mesure que je lui racontais l’histoire, un sourire épanoui se dessinait sur le visage de ma chef.
« Aaah… Je me souviens de celle-là. Elle était venue me faire chier aussi au ticketing pour un upgrade. T’aurais dû l’envoyer plus loin, sa valise ! Pas à San Francisco mais plutôt à Hawaï ou même Tokyo ! »
Moi qui croyais que j’allais passer un mauvais quart d’heure…  Je suis sorti du bureau, en éclatant de rire après ce que ma responsable venait de me dire. Ma pauvre Sue Ellen, il n’y a pas que le Texas où l’univers est impitoyable !

2 commentaires:

  1. C'est d'une perversité extrême... J'adore !!!

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  2. j'adore hahahahahaha saloprie vengeance machiavelique looolll

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